Le transport de l’électricité
Introduction :
La découverte des propriétés de l’électricité est le fruit du travail acharné des plus brillants scientifiques de ces derniers siècles. La compréhension des différentes propriétés électriques, aujourd’hui acquise, est au moins aussi importante que l’invention de la roue. L’électricité peut être considérée comme le moteur de la civilisation moderne.
Dans le chapitre précédent, nous avons vu comment produire de l’énergie et également comment la convertir en énergie électrique. Ici, nous nous proposons d’étudier un élément essentiel à son utilisation : son transport.
Ainsi, nous étudierons dans un premier temps les lois qui régissent le transport de l’électricité et les défis que pose ce transport sur les longues distances.
Les principes physiques du courant électrique
Les principes physiques du courant électrique
Le courant électrique est un phénomène physique qui provient du déplacement de charges électriques dans un matériau conducteur.
Lois électriques
Lois électriques
- L’intensité électrique
L’intensité électrique est une grandeur qui désigne le nombre de charges électriques transitant à travers une surface par unité de temps.
Mathématiquement, cela se traduit de la manière suivante :
$$I=\dfrac{q}{t}$$
où $I$ est l’intensité du courant électrique en ampère ($\text{A}$), $q$ la quantité de charges électriques traversant une surface donnée en coulomb ($\text{C}$) durant le temps $t$ où $t$ représente le temps en seconde.
Le coulomb ($\text{C}$) se définit comme la charge électrique traversant une surface $S$ parcourue par un courant d’intensité de $1$ ampère durant une seconde.
Ainsi, le coulomb n’est pas une unité de base (comme le sont le mètre ou la seconde par exemple), car il se définit par rapport à d’autres unités.
Prenons un exemple concret :

Dans un fil de cuivre, un milliard d’électrons traversent la surface $S$ chaque nanoseconde.
Quelle serait alors l’intensité du courant électrique traversant ce fil, tout en sachant que la valeur absolue de la charge électrique d’un électron est de $1,6\cdot 10^{-19}\,\text{C}$ ?
Si nous reprenons donc la formule mathématique du calcul de l’intensité du courant électrique, nous avons :
$I=\dfrac{q}{t}$
$I=\dfrac{1\,\text{milliard}\times\text{charge}_{\text{électron}}}{1\,\text{nanoseconde}}$
$I=\dfrac{10^9\times (1,6\cdot 10^{-19}}{10^{-9}}=0,16\,\text{A}$
Nous obtenons un courant de $0,16\,\text{A}$.
- La tension et la résistance électrique
L’électricité est basée sur le déplacement des électrons, porteurs de charge négative, dans un matériau conducteur.
Revenons un instant sur la structure même de la matière : un atome est composé d’un noyau (protons + neutrons) et de plusieurs électrons gravitant autour de ce noyau.
Dans un matériau conducteur, certains électrons ne sont plus liés au noyau de leur atome, comme c’est le cas dans l’exemple du cuivre proposé plus haut, où un électron par atome est dit « libre ».
En soumettant une différence de potentiel électrique (ou tension électrique) aux deux bouts d’un matériau conducteur, les électrons libres vont tous se déplacer dans une même direction, créant ainsi un courant électrique, de la borne $-$ vers la borne $+$.
Toutefois, la circulation des électrons est freinée par leur frottement avec le conducteur (ici le fil de cuivre) : c’est cette propriété de régulation que l’on nomme la résistance électrique (notée $R$).
Nous pouvons relier cette différence de potentiel électrique (tension) au courant électrique (intensité) par la loi d’Ohm : $$U=RI$$ où $U$ est la différence de potentiel électrique (ou la tension) en volt ($\text{V}$), $R$ la résistance électrique en ohm ($\Omega$) et $I$ l’intensité du courant électrique en ampère ($\text{A}$).
- La résistance électrique est une notion essentielle : elle représente la propension d’un matériau à s’opposer au courant électrique.
- La puissance électrique
De même, nous pouvons définir la puissance électrique à partir de la différence de potentiel électrique.
La puissance d’un appareil électrique est le produit de la tension ($U$) par l’intensité ($I$).
Puissance électrique :
En régime continu, la puissance électrique d’un générateur (ou récepteur) est l’énergie électrique échangée entre les charges électriques et le générateur (récepteur) par unité de temps.
Elle est exprimée en watt et est équivalente à :
$$P=UI$$
La puissance électrique reçue est donc une mesure de l’énergie par unité de temps.
Toutefois, la puissance électrique émise par un générateur n’est pas exactement égale à celle reçue par un utilisateur. En effet, durant le transport de l’électricité, il y a des pertes électriques.
Les pertes par effet Joule
Les pertes par effet Joule
Quand les électrons se déplacent dans un fil conducteur, ils entrent en collision avec les atomes constituant ce fil et sont donc freinés : c’est ce qui se cache derrière la notion de résistance électrique.
Ce frein est accompagné d’une perte de puissance.
Regardons de plus près cette perte de puissance :

Le schéma d’une ligne électrique est composé d’une force électromotrice $E$ (tension fournie par le générateur), ainsi que d’une résistance $R$ représentant la résistance de la ligne électrique elle-même.
Nous voyons que la force électromotrice $E$ fournie par le générateur n’est pas la même que la tension $U$ reçue par l’utilisateur. Nous pouvons schématiquement en déduire que :
$$U=E-U_R$$
où $U_R$ représente la tension aux bornes de la résistance de la ligne électrique en volt ($\text{V}$).
En reprenant les lois précédemment étudiées, nous pouvons calculer la puissance $P$ reçue par l’utilisateur :
$P=UI$
$P=(E-U_R)I$
$P=EI-U_RI$
$P=EI-(RI)I$
$P=EI-RI^2$
où $EI$ représente la puissance électrique fournie par le générateur en watt ($\text{W}$) et $RI^2$ la puissance électrique perdue (d’où le signe négatif devant) par la résistance électrique du fil : c’est ce que nous appellerons les pertes dissipées par effet Joule.
Les pertes dissipées par effet Joule se manifestent par une augmentation de la température du fil conducteur.
Ces pertes sont donc dissipées sous forme de chaleur.
Effet Joule :
L’effet Joule est la chaleur produite à partir de l’énergie électrique lorsque le courant passe dans un conducteur qui présente une résistance électrique de valeur $R$. Cette chaleur correspond donc à des pertes de puissance, appelées pertes par effet Joule, qui sont équivalentes à : $$P_{\text{effet Joule}}=RI^2$$
- Ainsi, dans l’optique de diminuer les pertes par effet Joule, il sera donc préférable de diminuer l’intensité $I$.
Dans le même temps, pour pouvoir garantir une puissance $P$ constante, il faudra donc augmenter la tension $E$ du générateur : $$P=EI-RI^2$$
Dans le transport de l’électricité, il est donc possible de conserver la puissance d’un courant électrique, tout en diminuant les pertes par effet Joule : c’est là tout l’intérêt des lignes à haute tension.
Le réseau électrique en France
Le réseau électrique en France
Dans cette partie, nous détaillerons l’architecture du réseau de distribution de l’électricité en France. Pour cela, nous allons d’abord faire la distinction entre les courants continu et alternatif.
Courant continu et courant alternatif
Courant continu et courant alternatif
À la fin des années 1880 aux États-Unis, il y eu ce que l’on appelle « la guerre des courants » qui opposait Thomas Edison à George Westinghouse et Nikola Tesla.
Il s’agissait de l’opposition entre l’utilisation de l’électricité par courant continu ou par courant alternatif. Bien que cette opposition fut finalement plus une question d’ordre financier, elle demeure fondamentale pour le transport de l’électricité.
Jusqu’à présent, nous avons essentiellement abordé la notion de courant électrique sous sa forme continue. Dans ce cas, il s’agit donc d’un transport continu d’électrons dans un fil conducteur, dans un seul sens, de la borne $-$ vers la borne $+$.
Le sens conventionnel du courant est de la borne positive vers la borne négative.
Les électrons se déplacent à sens inverse du courant, donc de la borne $-$ à la borne $+$.
Or, le réseau de distribution de l’électricité est un réseau de transport de courant alternatif.
Le courant alternatif est un courant périodique et sinusoïdal :
- il est périodique, car il est constitué d’un motif (perturbation qui augmente et diminue de manière périodique) se répétant à intervalles de temps réguliers (période notée $T$ et exprimée en seconde) ;
- il est sinusoïdal, car sa tension varie au fil du temps, avec des phases d’accélération et de décélération du flux d’électrons, et peut se définir mathématiquement à l’aide de la fonction sinus.

Par exemple, en France, l’électricité nous est distribuée en $50\,\text{Hz}$, ce qui signifie qu’il y a $50$ périodes dans une seconde et que la période du signal électrique que nous recevons est donc de $20\,\text{millisecondes}$.
Comme nous l’avons vu, l’un des points essentiels à retenir dans le transport de l’électricité est de diminuer autant que faire se peut l’effet Joule : pour cela, il est intéressant de transporter l’électricité avec une tension la plus grande possible.
- L’idée est donc de produire de l’électricité à très haute tension, la transporter sur de longues distances et la transformer en basse tension juste avant distribution.
Et c’est là que prend tout le sens d’utiliser le courant alternatif, car les pertes liées à la transformation d’un courant alternatif de haute tension en basse tension sont bien moindres qu’en utilisant un courant continu, avec nos technologies actuelles.
Sachant que le réseau de distribution est en courant alternatif, il est important de connaître les lois de la physique qui s’y rattachent.
Par définition, les pertes par effet Joule ainsi que la puissance électrique sont proportionnels à l’intensité du courant électrique. Mais concernant un signal électrique alternatif, l’intensité du courant électrique varie au cours du temps. Ainsi, les pertes par effet Joule ainsi que la puissance électrique vont elles-mêmes varier au cours du temps, ce qui rend difficile leur calcul. Néanmoins, sachant que les variations de ces grandeurs se répètent à chaque période $T$, il est donc possible d’en définir des valeurs moyennes. Pour cela, nous allons utiliser le courant continu $I_{eff}$, dit « efficace ». Sa valeur est de :
$$I_{eff}=\dfrac{I_{max}}{\sqrt 2}$$
où $I_{max}$ est l’intensité du courant électrique maximale en ampère.
La puissance électrique $P$ et les pertes par effet Joule $P_{\text{effet Joule}}$ dans le cas d’un courant alternatif sont donc de :
$P=U_{eff}\times I_{eff}\times\cos\phi$
$P_{effet\,Joule}={RI_{eff}}^2$
Pour se donner une idée de ce que représente ce courant continu dit « efficace » pour un courant alternatif, on peut se dire que les pertes par effet Joule provenant d’un courant alternatif d’intensité maximale $I_{max}$ sont les mêmes que les pertes par effet Joule provenant d’un courant continu $I_{eff}$.
Architecture du réseau en France
Architecture du réseau en France
Il existe une multitude de technologies différentes permettant la production d’électricité.
À grande échelle, nous parlerons de centrales : éolienne, nucléaire, thermique à flamme (charbon), hydraulique, électrique solaire, etc.
Il est plus intéressant d’un point de vue économique et logistique de construire plusieurs grandes centrales qu’une multitude de moindre taille.
Se pose alors le problème de l’acheminement de l’électricité de son lieu de production à son lieu d’utilisation sur plusieurs centaines de kilomètres.

Pour ce faire, le transport de l’électricité commence par une très haute tension de l’ordre de $400\,000\,\text{V}$ sur de longues distances, puis de haute tension de $90\,000\,\text{V}$ environ, suivi de moyenne tension de $20\,000\,\text{V}$ et enfin de basse tension de $230\,\text{V}$ pour alimenter les foyers.
L’abaissement de tension est réalisé à l’aide de transformateurs.
Maintenant que nous avons vu l’architecture du réseau électrique, nous pouvons proposer une représentation schématique d’un réseau de distribution électrique :

Schématiquement, nous représentons donc un réseau de transport électrique par un modèle qui donne à voir :
- les lignes assorties d’une résistance, notée $R$, représentant les lignes électriques ;
- les sommets, représentant les sources distributrices, notées $S$ ;
- les cibles destinatrices, notés $C$ ;
- les nœuds intermédiaires entre les sources et les cibles.
Ici, il pourrait s’agir donc de la représentation de l’approvisionnement de cinq villes ($C$) alimentées par trois centrales ($S$).
Conclusion
Le déplacement des électrons dans un câble électrique provoque des pertes par effet Joule. Pour limiter ces pertes, il est préférable d’utiliser des câbles électriques sous haute tension.
Maintenant que nous avons abordé le transport de l’électricité, il est important de s’attarder sur sa consommation, mais aussi si sa production en elle-même. Le choix énergétique, que ce soit le choix de l’énergie atomique, des éoliennes ou du charbon entres autres, ou bien de l’utilisation de plusieurs de ces énergies à la fois, est un choix stratégique de la plus grande importance pour une société. Ce choix peut être simplement historique, économique ou pratique. Mais au jour d’aujourd’hui, la situation écologique nous force à revoir ces choix et c’est ce que nous verrons dans le prochain cours de ce chapitre.